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Commerce extérieur : le rôle stratégique des vins et spiritueux français




Mercredi 24 Septembre 2025


Avec 16,5 milliards d’euros exportés en 2024, le secteur viticole et celui des spiritueux confirment leur rôle central dans l’exportation française, représentant 85 % des ventes de boissons à l’international. Mais cette puissance cache des fragilités : concentration des débouchés, concurrence européenne accrue et pressions tarifaires.



Un excédent majeur pour la balance commerciale

La contribution du secteur est décisive, souligne le dernier rapport des douanes publié le 24 septembre 2025 : 14,3 milliards d’euros d’excédent en 2024, un apport comparable à celui de l’aéronautique ou des cosmétiques. Cette performance repose sur une particularité : les importations de vins et spiritueux sont marginales, ce qui renforce le solde commercial positif.

Pourtant, l’année 2024 confirme un retournement : les exportations reculent pour la deuxième année consécutive après un record à 18,2 milliards d’euros en 2022. Le ralentissement tient autant à l’affaiblissement de la demande mondiale qu’au retour du protectionnisme. La Chine a imposé dès novembre 2024 une taxe antidumping moyenne de 34,8 % sur les eaux-de-vie de vin, touchant directement le cognac. Les États-Unis ont de leur côté instauré en 2025 une surtaxe douanière de 10 %, relevée à 15 % quelques mois plus tard, après avoir envisagé un tarif de 200 %.

Des marchés porteurs mais concentrés

Le dynamisme du secteur repose sur un nombre restreint de clients. Les États-Unis absorbent près d’un quart des exportations françaises de vins et spiritueux et 36 % du seul cognac. La Chine et Hong-Kong pèsent 11,9 %, le Royaume-Uni 10 % et Singapour 9 %. Cette concentration rend les exportateurs particulièrement vulnérables aux retournements géopolitiques et aux barrières douanières.

Le cognac incarne cette dépendance : sur 5,2 milliards d’euros d’exportations de spiritueux en 2024, il représente 3 milliards. Plus de la moitié des volumes est écoulée aux États-Unis et en Chine. Le marché intérieur est quasi inexistant, avec moins de 1 % des ventes réalisées en France. Les autres produits révèlent la même exposition : 46 % des exportations de liqueurs et 39 % de celles de vodka dépendent du marché américain.

Le champagne illustre un autre enjeu. Ses exportations, évaluées à 3,8 milliards d’euros en 2024, se concentrent pour moitié sur cinq pays (États-Unis, Royaume-Uni, Singapour, Allemagne, Italie). Le prix moyen à l’exportation a progressé de 19,8 €/L en 2014 à 32,2 €/L en 2024, soit une hausse de 61 %, portée par la stratégie de montée en gamme.

Une stratégie premium face à la concurrence européenne

La France conserve son leadership en Europe, avec 11,9 milliards d’euros exportés hors Union européenne en 2024, devant l’Italie (5,6 milliards). Elle domine le segment haut de gamme : ses vins mousseux s’exportent en moyenne à 24 €/L contre 4,3 €/L pour les mousseux italiens. Sur les vins tranquilles, les prix atteignent 9,3 €/L, quand l’Italie reste à 3,5 €/L.

Cette politique premium renforce l’image des vins français mais ferme des espaces de marché. Les volumes italiens de vins mousseux exportés hors Union ont plus que doublé en dix ans, alors que ceux de la France sont restés stables. Le risque est clair : en se concentrant sur le haut de gamme, la France a laissé l’Italie s’imposer sur les segments d’entrée et de milieu de gamme.

Derrière ces flux se trouvent plus de 5 400 entreprises exportatrices en 2022, dont 40 % vers les États-Unis et 20 % vers la Chine et Hong-Kong. La structure est contrastée : certaines PME exportent des volumes modestes mais avec des marges supérieures, tandis que les grandes entreprises, notamment dans le cognac et le champagne, affichent des taux de marge proches de 80 %.

En moyenne, les entreprises exportatrices de vins et spiritueux dégagent un taux de marge de 57 %, nettement supérieur à la moyenne nationale du secteur des boissons (49,3 %). Le cognac et le champagne assurent les marges les plus élevées, respectivement 79,9 % et 69,9 % pour les grandes entreprises. À l’inverse, les exportateurs de vodka ou de vins produits dans l’UE dégagent des marges limitées, de l’ordre de 27 à 38 %.

Aurélien Lacroix




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