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BNP PARIBAS ET SES ACTIVITES AU SOUDAN : UNE CRISE SANS FIN




Jeudi 16 Juin 2022


En septembre 2020, la justice française décide de l’ouverture d’une enquête à l’encontre de la banque française pour complicité de crimes contre l’humanité. Une décision qui fait suite à ses activités douteuses au Soudan, alors sous embargo américain, entre 2002 et 2008, et pour lesquelles elle fut condamnée à une amende de 8,9 milliards de dollars



BNP PARIBAS ET SES ACTIVITES AU SOUDAN : UNE CRISE SANS FIN
La nouvelle a ravivé un feu qu’ils pensaient avoir éteint. Un an après le dépôt d’une plainte par plusieurs ONG, BNP Paribas se retrouve sous enquête pour complicité de crimes contre l’humanité commis au Soudan par le régime d’Omar el-Béchir. C’est peut-être le début d’une nouvelle crise pour la banque, sept ans après l’amende record infligée par les États-Unis qui avait fait tanguer un navire jusqu’alors insubmersible.
Étaient principalement reprochées par les autorités américaines à BNP Paribas, et particulièrement à son antenne genevoise, plusieurs milliards de dollars d’opérations dans des pays alors sous embargo américain, le Soudan en tête. Des opérations en Iran et à Cuba étaient aussi dans le viseur de la justice. Le choc a d’abord été violent, mais fut progressivement amorti grâce à une structure financière solide et une communication efficace.


En 2014, BNP Paribas a servi d’exemple
 
Outre-Atlantique, on est déterminé à sanctionner lourdement la banque. BNP Paribas doit servir d’exemple pour tous les autres groupes qui seraient tentés d’ignorer les consignes américaines. Un homme en particulier est au cœur du combat : Benjamin Lawsky, directeur du Department of Financial Services de New-York et ennemi juré des grands groupes de Wall Street. En 2014, il n’en est plus à son coup d’essai dans ce type d’affaires, et son comportement laisse présager le pire pour la banque française, qui constitue sa nouvelle cible.
 
S’ensuivent alors plusieurs mois d’intenses négociations, qui vont jusqu’à prendre un tournant diplomatique lorsque l’Élysée s’empare du dossier, ne niant pas la culpabilité de la banque mais tentant d’éviter autant que possible une amende trop sévère. Finalement, le tribut à payer est lourd, très lourd : une amende historique de près de neuf milliards de dollars, et surtout une suspension d’un an de certaines opérations de compensation en dollars. Au-delà de ces dures sanctions financières, ce sont aussi des personnalités reconnues qui feront les frais de cette crise : treize collaborateurs seront forcés au départ, le directeur général délégué Georges Chodron de Courcel en tête (dont l’éviction avait été personnellement réclamée par Benjamin Lawsky). Quelques mois plus tard, le Président du groupe Baudouin Prot annonce sa démission, officiellement pour des raisons personnelles mais visiblement très marqué par la crise. Il faut dire que c’est un coup dur pour la banque, qui est une des vraies places fortes de la finance française. Louée et admirée pour sa gestion de la crise financière de 2008, elle a vu son image brutalement se dégrader.
 
 
Une gestion de crise calme et réussie, jusqu’à ce nouveau rebondissement
 
Devant la violence du choc et les retombées médiatiques incessantes, il faut pour la banque empêcher au maximum la propagation de l’incendie sur l’ensemble de ses parties prenantes, clients et tête. Face à l’adversité et à l’inquiétude, c’est le directeur général Jean-Laurent Bonnafé qui est en première ligne. Son recul face aux événements ainsi que la légitimité que lui procurent sa position et sa personnalité le placent d’emblée en leader pour faire face aux conséquences. Il tente d’abord de rassurer les 185 000 salariés de la banque, à qui il promet que cette amende n’aura aucune conséquence, que ce soit au niveau de l’emploi ou de leur rémunération. Dans la foulée, il communique à l’ensemble des clients par le biais d’une lettre, dans laquelle il reconnait en partie les responsabilités de l’institution tout en rassurant sur sa solidité. En effet, s’il admet un défaut de vigilance global à Genève, il rejette majoritairement la faute sur des collaborateurs désobéissants et assure que la banque a interdit toute forme de pratique illégale au moment même où elle en a eu connaissance. Une manière habile de se dédouaner partiellement auprès de ses clients, et de tenter de restaurer immédiatement une confiance abimée.
 
L’étape suivante est celle de l’action et de la reconstruction : renforcement criant des contrôles sur les opérations, comportement beaucoup plus prudent, et surtout reprise en main particulièrement forte pour la filiale de Genève, qui ne retrouvera jamais son niveau d’activité du début des années 2000. Autant de décisions qui visent à monter que BNP Paribas a appris de ses erreurs, et que cette crise est l’occasion d’un nouveau départ. Le temps a semblé leur donner raison, puisque dès le premier trimestre de 2015, la banque a su retrouver une croissance de ses résultats, puis la stabilité économique et diplomatique qui faisait sa force. Jusqu’à cette fin d’année 2020 donc, et l’ouverture de cette enquête qui fait planer la menace d’une nouvelle crise, et qui renvoie une nouvelle fois la banque à cette page de son histoire, qui semble ne jamais avoir été définitivement tournée.

 

Victor Vidal

Dans cet article : amende, banque, gestion de crise, scandale, soudan



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