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Fast-fashion : la loi qui veut pénaliser Shein en France




Mardi 10 Juin 2025


Des tee-shirts à moins de trois euros, livrés en quelques jours. Une mode rapide, tentante, omniprésente. Mais derrière les prix cassés, des dégâts invisibles. Le Sénat s’apprête à dire stop. Une loi pourrait tout changer.



Shein dans le viseur

 

Adoptée à l’Assemblée nationale en mars 2024, la proposition de loi portée par Anne-Cécile Violland (Horizons) arrive aujourd’hui au Sénat. Elle vise une meilleure régulation de la fast-fashion, dont la croissance exponentielle échappe encore largement aux contraintes fiscales, sociales et environnementales. L’industrie textile, stimulée par la demande en ligne et les prix bas, est entrée dans une logique de volume extrême. Un phénomène incarné par le géant Shein, dont la plateforme affiche jusqu’à 7 220 nouvelles références par jour.

Cette cadence dépasse largement celle des distributeurs historiques comme H&M (environ 290 références/jour pour les femmes sur la même période). Le texte s’attaque donc à cette “mode ultra-express” par une série de leviers réglementaires : obligations d’affichage environnemental, écocontributions renforcées, restrictions publicitaires, interdiction de promotion par des influenceurs.

 
 

Le texte prévoit un mécanisme de bonus-malus écologique, basé sur le coefficient de durabilité des produits. Plus un article est éphémère, plus il sera taxé. À terme, une écocontribution pouvant atteindre 10 € par article en 2030 est envisagée pour les enseignes les plus polluantes. Ce système doit inciter les plateformes à investir dans la durabilité, quitte à revoir leurs chaînes d’approvisionnement et à ralentir le rythme de mise en ligne des produits.

En parallèle, l’interdiction de toute forme de publicité pour la mode ultra-éphémère, y compris via les réseaux sociaux, s’annonce comme un frein majeur à la stratégie de communication digitale de ces entreprises. Les influenceurs seront directement concernés, et des sanctions spécifiques sont prévues.


Vers un encadrement européen ?

Le choix de viser principalement les entreprises hors Union européenne n’est pas anodin. À ce jour, Shein reste l’acteur emblématique d’un modèle fondé sur des micro-séries massives, des prix extrêmement bas et une logistique rapide. À l’inverse, les enseignes installées en France (comme Kiabi, Zara ou H&M) ne sont pas concernées par l’interdiction de publicité.

« Je ne souhaite pas faire payer un euro aux entreprises qui disposent d’enseignes en France et qui contribuent ainsi à la vitalité économique de nos territoires », a déclaré la sénatrice Les Républicains Sylvie Valente Le Hir, rapporteure du texte. Une ligne qui fait débat, mais qui traduit une volonté claire de protéger l’activité locale tout en exerçant une pression fiscale sur les modèles extraterritoriaux.

Shein a d’ailleurs vivement réagi. Son porte-parole en France, Quentin Ruffat, dénonce une loi « anti-Shein, et anti-clients de Shein », et alerte sur ses effets sur le pouvoir d’achat des consommateurs.



La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a salué une loi « aussi ambitieuse qu’on pouvait l’espérer » et y voit « un bon point de départ pour agir au niveau européen ». Une notification à la Commission européenne est prévue pour assurer la solidité juridique du texte. Mais certaines mesures, comme la taxe sur les petits colis hors UE, comprise entre deux et quatre euros, pourraient être amendées pour éviter des conflits de compétence avec Bruxelles. Elle vise clairement Shein, mais aussi Temu, autre plateforme chinoise en pleine expansion.

Prochaine étape : une commission mixte paritaire devra rapprocher les versions Assemblée et Sénat à la rentrée, pour déboucher sur une loi définitive.


Grégoire Hernandez

Dans cet article : fast-fashion, loi, Sénat, Shein



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