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Olivier Meier
Olivier Meier est Professeur des Universités, HDR (Classe exceptionnelle), directeur de... En savoir plus sur cet auteur

Polarisation et influence sociale




Vendredi 1 Août 2025


La notion de polarisation chez Serge Moscovici : influence sociale et dynamique collective

Serge Moscovici a profondément marqué la psychologie sociale en analysant non seulement les processus d’influence minoritaire, mais aussi les phénomènes collectifs qui émergent dans les débats de groupe, notamment la polarisation. Dès la fin des années 1960, Moscovici et ses collaborateurs, dont Marisa Zavalloni, ont mis en lumière le phénomène de polarisation de groupe comme un mécanisme central de transformation sociale.




Qu’est-ce que la polarisation de groupe ?

La polarisation désigne la tendance des groupes à adopter, après discussion et interaction, des positions plus extrêmes dans le sens des inclinations initiales des membres. Ce mouvement ne consiste pas en un simple compromis ou une position moyenne, ni en un extrémisme isolé, mais plutôt en un déplacement collectif vers une valeur proéminente, plus marquée que les positions individuelles antérieures.

Par exemple, si les individus sont initialement enclins à prendre des risques, la décision collective tendra vers un risque encore plus accentué ; à l’inverse, un groupe plutôt prudent adoptera une posture encore plus prudente. Cette dynamique collective révèle que les échanges et les débats dans un groupe amplifient les tendances individuelles, créant un effet d’extrémisation collective qui ne se comprend pas uniquement par la somme des opinions individuelles. Approche de Moscovici : le groupe comme entité dynamique et unique

Le groupe comme entité dynamique et singulière

Serge Moscovici critique l’erreur commune de réduire le phénomène collectif à la simple addition d’individus. Pour lui, « on ne pense pas un groupe comme on pense un individu ». La polarisation s’inscrit dans cette perspective : elle est une propriété émergente des interactions sociales. Les discussions de groupe ne cherchent pas nécessairement à éteindre les désaccords par le compromis, mais au contraire à laisser dialoguer les différentes opinions jusqu’à ce qu’une position commune, consolidée et d’autant plus engagée, émerge. Plutôt que d’être un frein au changement, cette discorde devient un levier puissant de transformation des représentations collectives.

Cette posture novatrice fait de la polarisation un phénomène clé pour comprendre comment les minorités convaincantes, par exemple, peuvent déplacer les majorités non pas par la simple pression normative, mais via des processus d’interaction et de confrontation d’idées.

Plusieurs mécanismes, éclairés par Moscovici et la psychologie sociale, expliquent la polarisation :
a) La comparaison sociale : en quête d’approbation sociale, les membres tendent à amplifier leurs opinions pour correspondre à ce qui apparaît comme la norme du groupe dominante.

b) Le renforcement argumentatif : Lorsqu’ils discutent, les membres exposent et entendent des arguments favorisant leur point de vue initial, ce qui renforce collectivement leur position.

c) La dynamique d’identité collective : La polarisation peut aussi renforcer l’identité de groupe en affirmant ses positions face aux autres, parfois en opposition vive (ce qui explique des processus ultérieurs comme la radicalisation).

La polarisation, un outil de changement social

Le travail de Moscovici souligne que la polarisation ne se limite pas à un phénomène de radicalisation ou d’extrémisme déviant. Elle est au contraire un moteur normal et productif du processus social, permettant l’émergence de positions innovantes et la remise en question des normes établies.

C’est dans cette perspective que la polarisation joue un rôle essentiel dans la théorie des minorités actives : une minorité cohérente et consistante provoque un conflit cognitif qui tend à polariser la majorité, poussée à reconsidérer ses normes et ses positions. 

Conclusion

Chez Serge Moscovici, la polarisation est une dynamique collective fondamentale où l’interaction sociale mène à des décisions plus tranchées que les inclinations individuelles initiales. Elle implique que le groupe est une entité spécifique, dotée de mécanismes propres d’influence, loin de la somme mécanique d’individus.

La polarisation permet ainsi de comprendre comment les discussions et confrontations d’opinions peuvent catalyser des changements sociaux profonds, en éclairant notamment la manière dont les minorités actives influencent durablement la majorité.

Références

Présentation de plusieurs de nos travaux de recherche et interventions sur l'analyse Moscovicienne des dynamiques de groupe et des processus d'innovation et de changement

Livres et articles
Serge Moscovici et le rôle des minorités actives, Editions EMS
Comprendre la société par les sciences sociales, VA Editions.
Minorités en mode majeur (sous la Dir.), Editions EMS
Une analyse moscovicienne des processus d'innovation et de changement, Revue GRH
Serge Moscovici et la notion centrale de consistance, RSE Magazine 

Vidéos et émissions
- Serge Moscovici et le management : normalité, anormalité, déviance, Xerfi Canal
- Ces déviants et transgresseurs indispensables, Xerfi Canal





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