Carnets du Business


           

Pourquoi les grands groupes familiaux ont la cote




Lundi 11 Juillet 2016


On les croyait reléguées au placard avec l’arrivée des start-up. Les entreprises familiales sont pourtant au cœur du tissu économique hexagonal et représentent 83% des sociétés, 50% du PIB du pays et 50% des emplois. Un beau palmarès pour ces entreprises qui ont su démontrer leurs atouts notamment en période de turbulences. Le modèle de gouvernance familial séduit d’ailleurs de plus en plus d’entrepreneurs mais aussi les consommateurs qui les plébiscitent pour leurs valeurs en phase avec l’air du temps.



La stabilité face à la crise

Si les entreprises familiales font preuve de résilience, c’est que leur modèle de gouvernance est stable. En effet, les entreprises familiales sont animées par un désir de réussite au-delà d’intérêts courts-termistes. Il s’agit de transmettre l'entreprise aux prochaines générations dans les meilleures conditions. Ainsi, ces entreprises ont en général réglé l'une des questions essentielles, celle de la succession : 87% des entreprises familiales ont ainsi déjà clairement identifié le responsable de la succession, selon une étude menée par Ernst & Young et l'Université de Kennesaw, qui ont analysé les facteurs clefs du succès de 2400 des plus grosses entreprises familiales de 21 pays. Cette démarche leur permet d’aborder sereinement le quotidien mais également de se projeter sans difficulté dans la durée, pour plus de longévité.

Cette longévité constitue un socle solide sur lequel les entreprises familiales capitalisent. C’est d’ailleurs la démarche des créateurs du label Entreprise Familiale Centenaire, qui permet de valoriser et de reconnaître cet atout face à la concurrence. Mireille Schvartz à la tête de l’entreprise commercialisant le papier d’Arménie, a récemment reçu le précieux sésame. Pour l’arrière-petite-fille d’Henri Vivier, le cofondateur de l’entreprise, il s’agit tant d’asseoir sa légitimité que de faire perdurer ce savoir-faire familial 100% made in France. Si la formule reste inchangée depuis 130 ans, elle s’est déclinée et a su s’adapter aux tendances. Car l’agilité est un des corollaires de cet ancrage historique : il est plus facile d’innover avec des bases saines. Et l’entreprise affiche une croissance annuelle de 7% depuis 2005, de quoi faire pâlir d’envie les plus grands groupes. « Tout le monde sait que nous ne sommes pas à vendre. Nous sommes une entreprise familiale et nous tenons à le rester », plaide Mireille Schwartz. Cet attachement est lié aux valeurs distillées par les entreprises familiales qui ne se contentent pas de dégager des bénéfices.

Des valeurs qui séduisent

En effet, les valeurs communes constituent la pierre angulaire des entreprises familiales. C’est un gage de leurs fortes identités mais également de confiance auprès des consommateurs. Familiale, l’entreprise est également « familière » à des millions de consommateurs. Ces derniers sont séduits par ce modèle d’entreprise alternatif qui véhicule du sens. Aussi, en affirmant leurs valeurs, les entreprises familiales bénéficient d’un atout de taille face à la concurrence. C’est le cas de Lactalis, leader mondial des produits laitiers : nombreux sont les Français à avoir grandi avec ses marques fortes, comme Président ou Lactel et son fameux « c’est quoi cette bouteille de lait ? ». Fondé par André Besnier en 1933 à Laval, l’entreprise est aujourd’hui dirigée par son petit-fils, qui a su pérenniser les valeurs de proximité et de qualité, chères à son grand-père. Le développement de la marque La Laitière, illustre par exemple l’adéquation entre les valeurs et l’image de l’entreprise familiale. Les codes graphiques plongent le consommateur dans une époque où le savoir-faire se transmet de génération en génération. De plus, le groupe revendique une forte territorialité : il est resté fidèle à sa ville d’origine, où l’entreprise a établi son siège. Une stratégie de la stabilité qui lui permet aujourd’hui d’être un des leaders mondiaux des produits laitiers et numéro un mondial des fromages.

Même logique à l’œuvre au sein du groupe clermontois Michelin, véritable pilier au sein de sa région. Le spécialiste du pneu repose sur une forte dimension humaine et a érigé le respect comme valeur centrale. Cette dernière est déclinée tant pour ses clients que pour les salariés et les actionnaires. Pas étonnant donc que Michelin soit devenu l’entreprise nationale préférée des Français selon le dernier baromètre Posternak-Ifop. « « Les Français plébiscitent une entreprise familiale fidèle à ses valeurs et à son territoire » analyse Claude Posternak. En outre, le groupe a lancé en 2002 une « démarche de performance et de responsabilité », avec pour ambition de répondre aux enjeux de société. En ligne de mire de Michelin, favoriser le bien-être et le développement de ses salariés. Car si les entreprises familiales ont la cote, c’est qu’elles répondent aux exigences d’une société qui pousse de plus en plus les entreprises à remplir et affirmer leur rôle social (la RSE). Ces valeurs sont également au service d’une culture d’entreprise qui fait écho aux attentes des salariés pour plus de sens.

Un air de famille

Force est de constater que les entreprises familiales jouissent d’un fort affectio societatis. Il s’agit d’un élément clef dans la réussite d’une entreprise. En miroir de l’esprit « famille », les entrepreneurs familiaux sont plus sensibles à construire, puis nourrir ce sentiment d’appartenance, comme le confie André Duquesne, qui a dirigé l’entreprise familiale, créée par le père de sa femme. Ce dernier a veillé à « sanctuariser » sa société en organisant des relations de proximité entre les dirigeants, les salariés et les actionnaires. « Il y a depuis cent ans un esprit ‘‘maison’’, une confiance entre les salariés et la famille. Il n’y a eu qu’une journée de grève, en 2011. Nous avons été réellement proches de nos salariés », ajoute-t-il.

Et des salariés impliqués sont également des salariés innovants et donc productifs, comme le montrent les travaux du Hay Group. En ce sens, Marie-Agnès Pierre-Puységur, directrice Projets de transformation chez Hay Group, milite en faveur d’un retour du sentiment de fierté, jugé parfois ailleurs « has been ». Or, un des maux actuels dans le monde de l’entreprise est que « les salariés (incluant les cadres voire les premiers niveaux de dirigeants) ne se reconnaissent plus dans leur direction ni dans la façon dont ils ou leurs collaborateurs sont traités ». Cette dernière souligne que les entreprises familiales sont beaucoup moins confrontées à cet écueil, ce qui accroit leur attractivité par comparaison avec les entreprises classiques. Preuve que si on ne choisit pas sa famille, on peut néanmoins choisir de travailler avec elle. Et avoir du succès !
 
 

Guillaume Mailloux




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