Carnets du Business


           

L’effondrement du Rana Plaza et ses conséquences




Mardi 30 Août 2022


Le 24 avril 2013 s’effondrait le Rana Plaza, immeuble situé à Dacca, capitale du Bengladesh, entraînant dans sa chute la vie de 1135 personnes. L’immeuble qui abritait divers ateliers textiles de confection pour des marques internationales de vêtements avait reçu des consignes d’évacuation la veille suite à l’apparition de fissures, mais les chefs d’ateliers ont choisi de les ignorer.



Pourquoi une telle réaction des chefs d’ateliers ? Selon les mots du journaliste Guillaume Delalieux, l’effondrement de l’usine et la réaction des chefs d’ateliers sont directement liés à « la corruption des autorités administratives locales par les propriétaires de l’usine, l’inaction et la passivité complice des donneurs d’ordre, silencieux face à l’absence de respect des normes de sécurité élémentaires chez leurs sous-traitants ».
 
Rapidement, la catastrophe ne se limite plus au simple constat des pertes humaines et il devient nécessaire de trouver les responsables. La faute est alors jetée sur la passivité des donneurs d’ordre que sont les multinationales du textile comme Mango, H&M, Inditex (propriétaire de Zara), Primark, Carrefour, Auchan… Cette crise atteint fortement la réputation de ces entreprises qui sont accusées d’avoir fermé les yeux quant aux conditions de travail des ouvriers chez leurs sous-traitants afin de pouvoir remplir leurs objectifs économiques. Plus spécifiquement encore, l’opinion publique et les médias dénoncent les problèmes liés à la fast fashion et à la mondialisation, deux piliers sur lesquels reposent ces marques. 
 
 
Du déni à la cacophonie, la réaction des entreprises pour étouffer l’affaire
 
La quasi-totalité des entreprises concernées commence tout d’abord par nier partiellement ou totalement leur rôle dans l’accident. Selon Quitterie de Villepin, professionnelle de la communication, il a fallu plusieurs semaines pour que cette catastrophe soit réellement médiatisée et qu’elle atteigne la réputation des grandes marques impliquées ; les médias étant alors davantage occupés par l’attentat à la bombe lors du marathon de Boston : « Je ne trouve pas vraiment que les médias aient été réactifs […] lorsque l’immeuble du Rana Plaza s’est écroulé. […]  À part le correspondant de l’AFP qui avait publié quelques dépêches, le sujet n’intéressait pas vraiment les médias. » confie-t-elle dans une interview.
 
Le sujet commence à gagner en ampleur lorsque des ONG découvrent les étiquettes de ces marques parmi les décombres. S’ensuit alors de nombreuses communications de ces entreprises qui, ne s’étant visiblement pas concertées, offrent des versions tout à fait différentes. Alors que Primark reconnaît rapidement la présence de ses fournisseurs et sa part de responsabilité dans la catastrophe, d’autres comme Benetton nient dans un premier temps leur responsabilité. Enfin, d’autres enseignes comme Auchan ou Carrefour refusent purement et simplement d’en endosser la responsabilité jusqu’au bout.
 
 
Primark, l’exemple à suivre ?
 
Bien que la marque ait d’abord souffert d’une crise de réputation du fait de la perception que s’est faite l’opinion publique du traitement de ses ouvriers, le fait que Primark ait été le premier à reconnaître sa responsabilité lui a conféré un avantage. Cette stratégie différencie rapidement la marque de textile de ses concurrents, ou du moins de ses partenaires de fortune, qui refusent toute responsabilité et qui sont mal perçus dans l’opinion publique ; ces derniers apparaissent alors comme des entreprises refusant de reconnaître leurs torts, peut éthiques et peu enclins à développer davantage leur responsabilité sociale et environnementale.  
 
Primark élabore alors un communiqué dans lequel la marque affirme avoir été « bouleversé et profondément attristé par ce drame » et c’est pourquoi ils s’engagent à prendre des mesures. L’entreprise apporte une aide financière, alimentaire et médicale aux victimes et à leur famille, crée une base de données complète pour identifier les personnes travaillant au moment de l’effondrement. Elle signe également un accord sur la sécurité des bâtiments au Bengladesh et verse un million de dollars aux travailleurs faisant partie des ateliers de confection de ses concurrents.
 
La société réussit à sortir rapidement de la crise en se montrant affecté par cet accident, affichant des regrets et une envie de se racheter. Effectuée suffisamment tôt, sa communication lui permet de montrer qu’elle n’est pas suiveuse dans ce mouvement social, mais bien qu’elle est réellement affectée. Elle en profite pour rappeler ses valeurs et se montre exemplaire face à la masse des entreprises impliquées puisqu’elle intervient directement avec des mesures compensatoires suffisamment fortes pour que sa crise de réputation soit réduite.
 
Le fait qu’elle prenne à sa charge des mesures compensatoires pour ceux qui ne sont même pas ses salariés plaît, d’autant plus que certaines entreprises refusent même de reconnaître leur responsabilité. Engagé dans sa RSE, Primark apparaît comme une entreprise soucieuse de s’améliorer et de réparer ses torts, d’évoluer et de sortir d’un capitalisme qui nuit aux travailleurs des pays émergents et du tiers-monde. Au contraire, ceux qui auront fait le choix du déni total se verront davantage atteint par cette crise et pendant un temps deviendront synonymes d’entreprises capitalistes froides et uniquement motivées par le profit au détriment du bien-être de ses salariés.
 
De plus, l’engagement de Primark et sa gestion de crise se montrent efficaces car la marque conclue le résumé de sa réponse à « la tragédie du Rana Plaza », encore disponible sur son site internet, sur le fait qu’elle « continuera à veiller sur les victimes qui ont été blessées à long terme ou ont perdu des revenus, en association avec les partenaires locaux qui ont conseillé la société sur sa stratégie en matière d'indemnisation ».
 
Primark a su réagir rapidement et efficacement à la crise en s‘imposant comme leader dans le résolution du conflit. Cette catastrophe lui aura permis de faire acte de foi de sa bonne volonté pour l’avenir et de communiquer sur les valeurs de l’entreprise auxquelles peuvent se rattacher les consommateurs.

G.E.




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