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Zara au coeur du scandale mêlant l’industrie textile à l’exploitation des Ouïghours




Jeudi 7 Juillet 2022


Cela fait plus d’un an que le géant du vêtement est interpellé sur les réseaux sociaux et dans la presse pour son implication dans la mise en esclavage de la minorité du Xinjiang. C’est en particulier l’euro-député Raphaël Glucksmann qui est à l’initiative de ces accusations. Avec des centaines d’ONG et quelques milliers d’internautes révoltés, il réclame des explications à Zara, qui serait non seulement complice mais qui aurait aussi tenté de dissimuler ses agissements.



Zara au coeur du scandale mêlant l’industrie textile à l’exploitation des Ouïghours
Retour sur les révélations incriminant Zara
 
C’est en 2019 que Zara fait face aux premières attaques. L’ONG australienne ASPI incrimine dans un rapport plusieurs dizaines de marques dont Zara. La marque travaillerait avec les fournisseurs chinois Huafu Fashion et Luthai Textile, deux entreprises souvent accusées de mettre en esclavage des Ouïghours. Les conditions de travail dans ces usines violeraient les droits humains par le biais du travail forcé et de la privation des droits. À la fin du mois de juillet 2020, Inditex dément les accusations et nie toute collaboration avec des usines établies au Xinjiang. Le groupe propriétaire de l’enseigne se déresponsabilise, déclarant officiellement que l’ONG en question avait finalement reconnu la non implication de Zara dans le travail forcé des Ouïghours.
Si la situation semblait être sous contrôle, c’est sans compter sur les déclarations de l’euro-député Raphaël Glucksmann sur le réseau social Instagram à partir du mois de septembre. La crise éclate véritablement au moment où ce dernier met en lumière les preuves accablantes rapportées par le Worker Rights Consortium : l’ONG n’est en réalité jamais revenue sur ses doutes envers Zara. « Zara a menti », « Zara complice », « Zara, c’est non ! » : Glucksmann réclame des explications, notamment au PDG d’Inditex Pablo Isla, et engage des milliers d’internautes contre le géant de l’industrie textile.
 

Un cruel manque de stratégie : Zara se maintient dans une position instable
 
Suite à cette série de dénonciations, plusieurs types de stratégie de communication ont été décidés.
Dans un premier temps, la direction d’Inditex a préféré le déni, stratégie qui s’avéra être plutôt gagnante puisque le scandale des esclaves Ouïghours n’était pas encore à son apogée en 2019. La tranquillité de Zara pouvait aussi s’expliquer par le fait que l’information venait principalement de l’ONG australienne, organisation qui peinait à se faire entendre d’autant plus qu’elle visait un bon nombre d’entreprises.
Dans un second temps, après avoir été à nouveau interpellée, Zara opte cette fois-ci pour le mensonge en disqualifiant fermement les faits qu’on lui impute. Dans un courrier officiel, il est alors déclaré que « La polémique au sujet des Ouïghours est venue d’un rapport d’une ONG Australienne de l’an passé, qui faisait part de soupçons concernant 83 entreprises, dont Zara.

Depuis il a été reconnu et même de la part de cette ONG, que nous n’étions pas concernés par le travail forcé des Ouïghours. ». Ce choix très dangereux a, celui-ci, rapidement montré ses limites. Il a suffi d’une vérification auprès de l’organisme dénonciateur pour discréditer les arguments de Zara et créer une vague de critiques envers ses agissements. La dernière phase que l’on peut imaginer dans sa communication périlleuse repose sur la fuite et l’absence de prise de décision.

Les dernières publications de Raphaël Glucksmann en témoignent : Zara ne propose aucune solution ni ne montre un quelconque effort afin de changer son comportement, refuse de s’entretenir avec les nombreuses ONG et syndicats qui souhaitent faire évoluer la situation. En somme, Zara se contente d’une position très imprudente, voire dédaigneuse.
 

Un mode de communication à revoir
 
Face à la persévérance de ses détracteurs, Zara choisit la voie du mensonge puis du silence, ce qui, de toute évidence, n’a pas joué en sa faveur. Afin d’améliorer sa position, il aurait été préférable pour l’image de l’enseigne de céder face à la pression citoyenne et médiatique. En effet, le comportement fuyant qui a été adopté l’a davantage présentée comme irresponsable et insensible aux accusations accablantes. Cette stratégie semble d’autant plus imprudente que le contexte d’indignation face à la condition des Ouïghours ne semble pas s’essouffler, et que la colère de la population civile vis-à-vis des méthodes de l’industrie textile en général ne fait que s’intensifier. La stratégie du silence jusqu’à épuisement des critiques ne fonctionnera probablement pas cette fois-ci.

L’ensemble de ce propos pourrait toutefois être nuancé dans la mesure où, malgré le scandale et la horde de critiques à son encontre, Zara ne semble pas particulièrement pâtir de la situation en termes de ventes et de popularité.

Garance Letort




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